Atelier co-habilité par l’ENS et par l’EHESS, organisé par Bernardo Marques (ENS) et moi-même durant l’année 2021/2022.
Argumentaire de l’atelier
Le pragmatisme américain, dont les figures tutélaires sont Charles S. Peirce, William James et John Dewey a été longtemps vu comme un mouvement philosophique mineur par rapport au développement de la philosophique analytique. Or, depuis une cinquantaine d’années ce mouvement connaît un nouvel élan. Les travaux de Hilary Putnam, mais surtout de Richard Rorty, Cornel West et de Robert Brandom sont les noms le plus souvent associés à ce que l’on nomme le néo-pragmatisme.
Sans prétendre arrêter une définition de ce mouvement complexe et très divers, nous aimerions l’envisager sous l’angle de son lien avec la modernité, entendue doublement comme une forme particulière de savoir et comme une expérience sociale. En partant du sol historique concret de la naissance du mouvement pragmatiste, notamment des suites de la Guerre de Sécession, nous aimerions poser plusieurs questions et mener ainsi des lectures sur le pragmatisme classique et le néo-pragmatisme :
- Dans quelle mesure les grands principes épistémologiques du pragmatisme (continuisme action-jugement, pluralisme et critique de la notion de représentation) comportent-ils des conséquences sociales et politiques ?
- Comment peut-on alors comprendre l’idée de Rorty et de Brandom, affirmant que le pragmatisme n’est pas un simplement mouvement philosophique, mais un moment dans l’histoire de la rationalité moderne ?
- Comment ainsi le pragmatisme américain permet-il d’appréhender la démocratie non plus comme un régime, mais comme une forme de vie liée au type proprement moderne d’individualisme dans son contexte états-unien ?
Dans chaque cas, il s’agira de montrer comment les thèses pragmatistes sur la connaissance et l’action sont étroitement liées à des réflexions politiques et sociales (et vice-versa), dont on peut retracer la genèse à partir de la crise de l’Union menant à la Guerre de Sécession. Le but est ainsi moins de proposer un développement logique ou conceptuel de l’histoire complexe du pragmatisme, que de suivre, avec une attention socio-historique, le travail de ce lien problématique.
Première séance 30/09/21 : le pragmatisme et la modernité démocratique.
- Qu’est-ce que la modernité ? (je repars de la conception européenne de la modernité, et notamment de la conception foucaldienne, simplement comme un repoussoir pour repenser la modernité et intégrer en son développement le pragmatisme américain)
- Foucault et le problème de la modernité
- Décaler la question politique de la modernité vers la question sociologique
- Qu’est-ce que le pragmatisme a à voir là-dedans ?
- Socio-histoire du pragmatisme : Le pragmatisme et la Guerre de Sécession
- Modernisation de la philosophie et lien avec les sciences sociales
- La démocratisation comme paradigme de la modernité
C’est précisément en proposant une autre conception de la modernité, qu’on peut ainsi lire autrement l’ambition démocratique du pragmatisme américain – la democratie au sens Tocquevilien, c’est-à-dire comme forme de vie. Autrement dit, c’est en décrivant autrement la démocratie, qu’on parvient à la politiser autrement.
- Qu’est-ce que la démocratie ? Intrication des formes de connaissance et des formes de vie sociales
Deuxième séance 21/10/21 : la critique pragmatiste de l’épistémologie et la modernisation de la philosophie.
I – L’épistémologie comme définition de la forme objective de connaissance
- Représentationnalisme sémantique : Représentation
- Fondationnalisme épistémologique : Incorrigibilité
II – La légitimation d’une conception de l’esprit comme miroir
- Critique de la conception de l’esprit comme miroir
- L’ordre des causes et l’ordre des justifications
III – Pour une modernisation de la philosophie et son lien avec les sciences sociales
- Une théorie sociale de l’esprit
- Le pragmatisme social pour achever le projet d’autonomie rationnelle des Lumières